O. Meuwly (Hrsg.): Charles Monnard (1790-1865) un libéral atypique

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Titel
Charles Monnard (1790-1865) un libéral atypique.


Herausgeber
Meuwly, d’Olivier
Reihe
Bibliothèque historique vaudoise
Erschienen
Lausanne 2016: Bibliothèque historique vaudoise
Anzahl Seiten
166 S.
von
François Jequier

C’est au dynamisme et à la synergie du Cercle démocratique de Lausanne, de l’Institut libéral de Genève, du Cercle littéraire et de la Société de Belles Lettres de Lausanne que l’on doit la publication des Actes de ce colloque consacré à Charles Monnard, figure dominante du libéralisme suisse et vaudois. Les mêmes protagonistes avaient publié dans la même collection les Actes du colloque Henri Druey (1799-1855), en 2007 (BHV 130), renouvelant ainsi l’historiographie vaudoise des grandes figures politiques du XIXe siècle.

Le parcours de Charles Monnard frappe par la précocité de ce jeune homme studieux et talentueux, consacré pasteur à vingt-quatre ans; il avait déjà fondé la Société de Belles Lettres en 1806, il enseignait à l’Académie de Lausanne dès 1816 et il participa à la création du Cercle littéraire en 1819. Cet homme fut simultanément et successivement théologien, journaliste, philosophe, historien, traducteur et politicien d’envergure sachant prendre ses responsabilités. Disciple de Frédéric-César de La Harpe avec lequel il fondera la section vaudoise de la Société suisse d’utilité publique en 1826, Monnard adhère au mouvement libéral qui s’oppose aux gouvernements de la Médiation de plus en plus conservateurs avant de connaître des années constructives jusqu’à la fin des années 1820 et la «révolution» libérale à la vaudoise. Monnard sera de tous les combats, le journaliste pugnace fait partie de l’aventure du Nouvelliste Vaudois, dès 1824, avant d’en prendre la direction dès 1826; il va défendre la liberté de la presse avec vigueur au moment où elle était attaquée par un Conseil d’État peu soucieux de transparence sur ses prises de position. Ses thèmes de prédilection touchent l’université fédérale, l’éducation des femmes, la publicité des débats politiques, les projets d’utilité publique, la lutte du réveil religieux et le développement de la culture. Le devoir est pour lui «la loi fondamentale de la vie morale et sociale» et il ne cesse de lier liberté et responsabilité, véritable fondement de l’harmonie sociale.

Charles Monnard accorde à l’État la défense des libertés, mais il dénonce en même temps la tentation des abus de la puissance publique. Son éthique du devoir s’apparente à une éthique de l’autonomie humaine de l’être libre et pensant. Pour ce pasteur vaudois, le fondement du devoir se situe dans le christianisme. Son engagement et ses sympathies pour le mouvement religieux gêneront sa carrière politique jusqu’à l’amener à s’expatrier à l’université de Bonn, en 1846, par solidarité avec ses collègues pasteurs malmenés par les radicaux, grands vainqueurs de la «révolution» vaudoise de 1845, qui ne purent tolérer la moindre opposition et qui furent à l’origine de la création de l’Église libre si bien analysée par Jean-Pierre Ce brillant professeur à l’Académie de Lausanne va être rapidement attiré par l’action politique; il succède à Frédéric-César de La Harpe au Grand Conseil en 1828 qu’il présidera en 1835, 1837 et 1843. Constituant en 1831, député à la Diète fédérale en 1832-1833, il fera preuve de fermeté avec ses discours enflammés lors de l’Affaire Louis-Napoléon Bonaparte en 1838, laquelle faillit dégénérer en conflit militaire avec la France voisine. Membre de la commission pour la révision du Pacte fédéral en 1833, il insista sur le respect de la souveraineté cantonale. Charles Monnard s’impose comme l’un des chefs du mouvement libéral jusqu’à la prise de pouvoir des radicaux, en 1845, qui donna les pleins pouvoirs à son rival Henri Druey mettant ainsi fin à une carrière politique pleine de promesses et de louables intentions. Le gouvernement libéral tombe, alors qu’en termes de réalisations sociales, le libéralisme n’est encore qu’ébauché. Relevons avec Gérald Arlettaz, auteur d’une belle thèse sur Libéralisme et société dans le Canton de Vaud 1814-1845 (BHV 67) que «néanmoins l’influence de la pensée libérale sur le radicalisme reste déterminante».

Les actes de ce colloque précisent certains aspects de la pensée libérale durant ces années où les libéraux furent confrontés à l’exercice du pouvoir et à une forte opposition des milieux conservateurs avant d’être balayés par la «révolution» vaudoise de 1845. William Yoakim brosse un tableau original des relations entre Charles Monnard et son élève à l’Académie, Henri Druey, de neuf ans son cadet, en mettant bien en évidence à quel point ces deux «intellectuels» n’eurent pas la même perception de leur époque. Le temps de la révolution s’est imposé face aux tendances libérales prêtes à réformer en douceur et par étapes. Pour Olivier Meuwly, organisateur du colloque de novembre 2013 et directeur de la publication des actes en 2016: «le fossé se révèle infranchissable entre le libéralisme citadin de Monnard et le radicalisme campagnard de Druey». Olivier Meuwly se penche sur le libéralisme moral de Charles Monnard caractérisé par deux principes: le droit et le devoir, qui irriguent tant sa pensée politique que religieuse. Il en souligne l’évolution de «ses premiers émois rebelles» jusqu’à une « inflexion vers un conservatisme plus affirmé dès son arrivée en Allemagne au contact de penseurs comme Friedrich Christoph Dahlmann». Farouche défenseur des libertés fondamentales de l’individu, Monnard aura des rapports ambigus avec les notions de démocratie, dont il craint les excès qu’il a pu constater dans les États allemands lors du printemps des peuples en 1848-1850. Libéral, Monnard l’est par sa foi dans la liberté individuelle, mais pour lui, cette liberté ne se conçoit pas sans un sens profond de la responsabilité, notion qui a perdu toute crédibilité au XXIe siècle où l’individu ne considère qu’il n’a que des droits et plus aucun devoir.

David Auberson se penche sur les relations entre deux historiens, Charles Monnard et Juste Olivier (1807-1876) en brossant admirablement le contexte socioculturel de l’Académie de Lausanne et la réforme académique de 1838. Il souligne l’engagement de Charles Monnard dans la nomination de Juste Olivier à la chaire d’histoire créée en 1833 et, en particulier, à son intervention, en 1839, pour qu’il conserve son poste et accède à l’ordinariat, la commission en charge des nominations lui ayant préféré un autre candidat. Il y aurait une belle étude à lancer sur les candidats repêchés ou recyclés dans les universités romandes du XIXe siècle à nos jours.

Ces actes du colloque Charles Monnard, dont ce compte rendu n’a retenu que la moitié des contributions, se terminent par un chapitre de Nicolas Gex, lequel aborde l’historiographie suisse en mettant en évidence l’importance de l’histoire dans les écrits de Monnard à travers sa contribution à l’Histoire de la Confédération suisse comme traducteur de Jean de Müller et comme historien. Il cherche à reconstituer les influences décelables dans les écrits historiques de Monnard en soulignant celle de son mentor Frédéric-César de La Harpe avant de procéder à une remarquable analyse de la méthode historique qui structure la démarche de Monnard ouverte à des perspectives économiques, sociales et culturelles peu courantes à son époque. Charles Monnard voue un culte à l’Helvétie des temps héroïques dans laquelle il perçoit la source d’une liberté qu’il conçoit comme une véritable force historique qui anime les Suisses et qui serait à la base du lien fédéral, élément fondamental à la compréhension de la Suisse moderne dès la seconde moitié du XIXe siècle. Nicolas Gex dégage ensuite les grandes lignes de sa philosophie de l’histoire en la situant dans les principaux courants historiographiques de son temps.

Évoquons pour conclure la richesse et la qualité de l’iconographie où domine une galerie de portraits des historiens cités.

Zitierweise:
François Jequier: Olivier MEUWLY (dir.): Charles Monnard (1790-1865) un libéral atypique, Lausanne: Bibliothèque historique vaudoise, 2016. Zuerst erschienen in: Revue historique vaudoise, tome 125, 2017, p. 263-265.

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Zuerst veröffentlicht in

Revue historique vaudoise, tome 125, 2017, p. 263-265.

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